Le premier 14 Juillet à Cour-Cheverny et Cheverny

Extrait du recueil des délibérations 
du Conseil Municipal de 
Cour-Cheverny de l'année 1790
En compulsant le recueil des délibérations du Conseil municipal de Cour-Cheverny de l’année 1790, soit l’année qui a suivi la Révolution Française, j’ai trouvé deux délibérations dédiées à cette fête du 14 juillet.
Croyant, comme la plupart d’entre nous, que le 14 juillet était jour de fête nationale depuis 1880 et commémorait la prise de la Bastille à Paris en 1789, je fus surprise d’appendre qu’une célébration était déjà prévue, ce jour là, en 1790. Je chargeai donc mon ami le Héron, toujours dévoué, de me renseigner.
Le 14 juillet 1790, fête de la Fédération : c’est à l’occasion des événements de juillet 1789 à Paris que la municipalité avait créé le 12 juillet une « garde parisienne », ou milice, qui avait joué un grand rôle lors de la prise de la Bastille. Depuis l’été 1789 s’étaient créées dans de nombreuses villes et jusque dans les villages des « gardes nationales » (ou légions). À l’initiative du marquis de Lafayette, chef de la garde parisienne, la Commune de Paris propose à l’Assemblée nationale d’organiser une « Fédération générale » dans le but de réunir les gardes nationales de France. Cette fête se voulait un événement de réconciliation et d’unité des français.
L’Assemblée approuve cette proposition le 5 juin 1790 et Bailly, maire de Paris, invite les fédérations régionales à se joindre à l’événement le 14 juillet suivant à Paris. Ce jour là, 14 000 gardes nationaux fédérés défilent, sous la bannière de leur département, devant 400 000 parisiens. Une grande messe est célébrée et le roi Louis XVI jure de maintenir la Constitution décidée par l’Assemblée Nationale. 
Dans toutes les régions de France, dans les villes et jusque dans les plus petites communes (paroisses) des célébrations de cette fête du 14 juillet, sont également organisées* dans nos communes. Deux délibérations du conseil de Cour-Cheverny permettent de connaître le déroulement de cette cérémonie dans nos deux communes :
Le 10 juillet 1790 comparait devant les maire et officiers municipaux, Monsieur Dufort** commandant de la légion des paroisses de Cour-Cheverny et de Cheverny qui leur indique qu’il a reçu du commandant de la légion nationale de Blois et des Commissaires de la fédération, une adresse d’invitation, en date du 21 juin, d’assembler la légion des deux communes pour procéder à l’élection des six «députés» afin qu’ils se rendent le 14 juillet à la confédération générale du département du Loir-et-Cher pour assister (...) à « l’auguste cérémonie du serment civique (et) jurer de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, telle qu’elle a été décrétée par l’Assemblée Nationale et sanctionnée par le Roi ». S’en suit l’élection des quatre députés de Cour-Cheverny en présence de très nombreux membres de la légion (requis par lui et qui l’accompagnent) et la validation de cette élection par le Conseil Municipal.

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En date du 14 juillet 1790. La seconde délibération est un compte rendu de la cérémonie qui s’est déroulée ce jour là : on y apprend que les officiers municipaux des deux communes réunis et la légion rassemblée, le commandant à sa tête, il a été, dans l’église de Cour-Cheverny, procédé à la bénédiction (par le maire de Cour qui est aussi prieur) d’un drapeau de la légion, fourni par les dames et présenté par madame Dufort. Ensuite, les deux municipalités et le corps de la légion se sont rendus au bourg de Cheverny « sur une place vis à vis le château » où la messe a été célébrée (par le vicaire de Cour) à l’autel dressé à cet effet. Enfin, après le discours du maire (de Cour), les officiers municipaux, les commandant, officiers présents et la légion entière « ont prêté serment et juré sur l’autel d’estre fidelles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de toutes leurs forces la constitution du royaume et l’autorité légitime de nos (mot illisible), le tedeom a été chanté et des cris de vive la nation, la loi et le Roi, ont fait retentir les airs. »
Cette « Fête de la fédération » n’a été célébrée que deux fois (1790 et 1791) puis est tombée en désuétude jusqu’au 6 juillet 1880 lorsque le député Benjamin Raspail propose, dans un élan républicain propre à la 3e République, d’adopter le 14 juillet comme fête de la République française. De vives discussions ont lieu au Sénat car la commémoration de la prise de la Bastille ne recueille pas tous les suffrages, comme étant un événement jugé trop violent. Un compromis est trouvé avec la commémoration de la fête de la fédération, symbole de l’unité de la nation et de la naissance de la République. Il s’agit d’un choix à double sens, qui est une sorte de consensus car la prise de la Bastille représente le symbole de la Liberté. 
Amis lecteurs, choisissez donc votre commémoration : 14 juillet 1789 (prise de la Bastille) ou 14 juillet 1790 (fête de la Fédération qui symbolise la réconciliation). La fête de la Fédération n’a plus jamais été officiellement citée. Aujourd’hui, on a «oublié» cette notion de réconciliation.

Le Héron - La Grenouille n° 20 - Juillet 2013
* Source Sénat
** Le comte Dufort de Cheverny

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